Le christianisme

Luc, disciple de Paul, la Gnose – Comment naquit le Christianisme chapitre 12

Les 28 chapitres de l’oeuvre d’André Wautier sur les débuts du Christianisme. Un monument intense d’érudition, et la source de multiples polémiques.

CHAPITRE 12 : Luc, disciple de Paul, la Gnose

La longueur du chapitre précédent peut paraître démesurée par rapport à son objet. Il n’en est rien. En réalité, le règne de Néron et la guerre de Judée constituent une période cruciale, non seulement dans l’histoire du judaïsme, mais encore dans celle des débuts du christianisme- la plus importante même peut-être de ceux-ci. Si Paul n’était jamais allé à Rome, s’il n’avait pas converti Néron à son christianisme, sa secte ne se serait probablement pas répandue hors de l’Orient, elle y aurait sans doute été anéantie plus tard par l’islamisme ou n’aurait guère subsistée davantage que celle des mandéens à laquelle elles s’apparentent.

Si les juifs ne s’étaient pas révoltés, ils auraient pu continuer à jouir des privilèges que leur avait accordés Pompée, César et Claude. Ils ne seraient pas apparus comme de mauvais sujets de l’empire et jamais les Nazaréens et les ébionites n’auraient songé à se séparer d’eux complètement : ces deux sectes auraient vraisemblablement continué à apparaître comme des sectes juives, analogues à celles des pharisiens, ou des esséniens et elles auraient évolué parallèlement à celles-ci de la même façon que d’autres, tels que, par exemple, les Caraïtes.

Mais la guerre de Judée eut notamment pour effet de raviver des sentiments anti-juifs, qui n’avaient cessé d’être latents dans toutes les régions de l’empire romain où les Hébreux s’étaient dispersés depuis l’époque des Séleucides, en particulier dans les régions hellénisées. Dès le début de la guerre ouverte, il y avait eu des massacres de juifs à Alexandrie, à Césaré, à Antioche. Dans cette dernière ville, lorsque Titus s’y rendit, en route vers Rome après avoir reconquis Jérusalem, il fut follement acclamé et des pétitions lui furent remises pour qu’il débarrasse la ville des juifs qui y habitaient. S’il ne donna pas suite à ces requêtes, on a vu que Titus fit néanmoins participer des prisonniers juifs à des combats de gladiateurs.

Ceux des nazôréens et des chrétiens qui n’étaient pas d’origine juive se trouvèrent ainsi poussés à se désolidariser des juifs convertis par Pierre. A Antioche, en particulier, les autorités de la ville ayant interdit de chômer le sabbat, cette prescription, qui allait à l’encontre de la loi hébraïque, fut ressentie comme une vexation intolérable par tous les juifs, y compris ceux qui s’étaient ralliés à la secte nazaréenne ou à la chrétienne, mais elle fut acceptée beaucoup plus facilement par ceux qui étaient d’origine païenne: “ beaucoup d’entre eux ”, selon P.Alfaric,” avaient voué, dès leur enfance, un culte fervent au soleil, qui était en grande vénération dans tout l’Oronte. Ils le fêtaient tout particulièrement au premier jour de la semaine, qui était pour eux le vrai jour du Seigneur et qui venait au lendemain du jour du sabbat. (….)

Les chefs chrétiens des communautés syrienne durent se conformer d’autant plus aisément à cette vieille coutume qu’ils y trouvaient un moyen opportun de rendre un hommage public au Dieu Sauveur entrevu pour l’occurence à travers les textes prophétiques comme le soleil des justes, la lumière des nations (Isaïe, IX, 9; XLII,7: LX, 18-20). Ils reportèrent donc leurs dévotions au lendemain du sabbat qui était pour les syriens le jour du soleil et qui devint pour eux le jour du Seigneur, le vrai soleil de justice.” (1).

Il faut ajouter que c’était d’ailleurs un dimanche que le fils de Chrîstos était censé être ressuscité et qu’en outre cela était conforme à la semaine mithriaciste, ce qui peut avoir contribué au rapprochement des fidèles des deux cultes que Néron avait tenté d’unifier. Telle est en tout cas l’origine du dimanche des chrétiens actuels. (2)

A Rome, ceux des chrétiens pauliniens qui n’avaient pas voulu suivre Néron lorsque ce dernier entreprit de fusionner leur religion avec celle de Mithra n’eurent garde de s’opposer aux adversaires de l’empereur vaincu. Parmi les nazaréens de Rome, les mêmes divisions durent apparaître que chez ceux d’Antioche et de la Syrie. Il durent cependant rester des fidèles de la religion christo-mazdéenne. Persécutés en même temps que les nazaréens d’origine juive, une certaine solidarité dut même naître entre eux, sans laquelle les nombreux éléments mithraïques que l’on retrouve dans la religion chrétienne, telle qu’elle finit par se constituer définitivement, paraissent inexplicables, en particulier dans l’Évangile selon saint Matthieu (3).

Mais plusieurs chrétiens pauliniens durent quitter l’Italie dès que Néron manifesta l’intention de fusionner leur culte avec le mithraïsme, c’est à dire en 66, ce qui coïncida au surplus à peu près avec le début de la guerre de Judée. Luc fût très probablement du nombre. Il est cependant impossible de savoir quand exactement, il quitta Rome. Tout ce qu’on sait, c’est qu’il alla à Ephèse, puis à Antioche. Passa-t-il d’abord à Corinthe? C’est assez vraisemblable, d’autant plus que, selon un prologue ancien à une traduction latine de l’Evangile qui porte son nom, il aurait écrit celui-ci « en Achaïe ». Mais on ne sait pas quelle valeur il convient d’attacher à cette tradition isolée.

Luc n’était d’ailleurs probablement pas seul, mais accompagné de tout un groupe de chrétiens restés fidèles à la mémoire de Paul de Tarse, parmi lesquels sans doute notamment Silas, qui à Rome se faisait appeler Silvanus, et Lydis, qui avait été la « soeur-épouse » de l’apôtre. Toujours est-il, que le passage de Néron à Corinthe, peut-être donc précédé (ou suivi) de celui de Luc, seul ou plus probablement accompagné d’autre chrétiens, dut y provoquer des remous, aussi bien parmi les chrétiens pauliniens que parmi les nazaréens pétriniens

Un des adeptes que Pierre s’était fait à Rome, un nommé Clément, écrivit aux corinthiens une épître, qui s’inspire de celle qu’avait rédigées Paul de son vivant, mais dont l’esprit est manifestement différent. Elle déclare émaner de  » l’église de Dieu, résidant comme étrangère à Rome » (ce qui dépeint assez bien l’ecclesia nazaréenne) et elle évoque des schismes qui s’y seraient produits  » à cause du pouvoir ” ce qui ne peut évidemment viser (…………) schismes, que ce fût dans la synagogue chrétienne de Paul ou dans l’église nazaréenne de Pierre, sinon Néron ou l’un de ceux qui continuèrent son oeuvre, Othon ou Vitellius ?

D’autant plus que certains de ces schismatiques auraient ainsi agi « par ambition ”, donc pour complaire à l’empereur ou à ses agents. Toujours est-il que, selon cette épître, les discussions qui s’étaient produites à Corinthe à l’époque de Paul (et auxquelles ce dernier faisait allusion au début de sa première épître aux Corinthiens I, 10-13) étaient moins graves que celles qui la divisent à l’heure présente (XLVII). Clément ajoute qu’il convient que ces disputes s’apaisent dans l’amour, que les obstinés quittent la communauté, mais que les fidèles prient pour leur repentir(XLVII-LVIII). On ne sait pas exactement quand cette épître a été écrite et envoyée. Clément de Rome a, selon la tradition, été évêque de cette ville de 89 à 97 , mais il est vraisemblable, vu son contenu, que l’épître qui lui est attribuée soit antérieure à la première de ces dates. Rien ne s’oppose d’ailleurs à ce que Clément l’ait écrite avant d’être épiscope, car il paraît de toute façon avoir été l’un des principaux disciples de Pierre à Rome et avoir joue un rôle important au sein de l’Eglise nazaréenne de cette ville même avant d’accéder à l’épiscopat.

Notons dès à présent que d’autres oeuvres encore ont été attribuées à ce Clément: une deuxième épître aux Corinthiens et des homélies notamment. Mais il est à peu près communément admis qu’elles ne sauraient être du même auteur que la première épître de Clément et c’est pourquoi on les appelle souvent « pseudo-clementines”. Comme, selon la plupart des exégètes, la deuxième épître aux Corinthiens paraît dater d’environ 150, elle pourrait bien être l’oeuvre d’un autre Clément qui fut épiscope, sans doute parce que l’un et l’autre se montrèrent particulièrement attachés, le premier à Pierre, le second à la mémoire de ce dernier, que l’un et l’autre voulurent faire passer pour avoir été le premier “en rang”, des apôtres.

Quoi qu’il en soit, cette première épître Clémentine aux Corinthiens est comme un écho ecclésiastique aux controverses auxquelles donnèrent lieu les actes de Néron, controverses dont Flavius Josèphe devait rendre compte avec sa prudence habituels et sans prendre formellement partie, en 94, dans son  » Histoire ancienne des juifs: »… Il ne manque pas d’historiens qui ont écrit des actions de ce prince, dont les uns ont parlé en sa faveur à cause qu’il leur avait fait du bien, et les autres ont déchiré sa mémoire et de manière outrageuse par la haine qu’ils avaient pour lui, sans craindre plus que les premiers de blesser la vérité » (XX , 5, in fine).

Pour en revenir à Luc, la seule chose assurée que l’on sache de lui après la mort de Paul de Tarse est qu’avant de rentrer à Antioche, sa patrie, il passa par Ephèse, où résidait toujours Apollôs et Jean le jeune. Et c’est ce dernier qui est selon Irénée, prit alors la direction de l’église paulinienne (4). C’est alors sans doute que Jean se mit à porter, comme insigne de sa nouvelle dignité, le “patalon” (c’est-à-dire une lame d’or) comme le grand prêtre de Jérusalem ainsi que le relatent Eusèbe de Césaré (  » Histoire de ………….. »).

Ce Jean avait, jusque là, joué un rôle assez effacé. C’est sans doute parce qu’il a été quelque temps le chef de l’église chrétienne que lui ont été attribuées plusieurs oeuvres du canon. Mais il est manifeste que ces oeuvres n’ont pas toutes le même auteur et Jean lui-même n’est certainement pas le seul auteur de celles à la rédaction desquelles il participa effectivement. D’ailleurs, il y a cette époque un certain nombre de personnages appelés Jean. Il y avait eu Jean le Baptiseur, dont nous savons déjà qu’il fût le personnage principal de la version primitive de ce qui est aujourd’hui le IVe évangile, qu’il était appelé Dosithée en Samarie et qu’il se confond probablement avec le Zébédée des évangiles canoniques (5).

Parmi ceux à qui l’on conférera le titre d’apôtre, il y avait un Jean qui était frère d’un Jacques tous deux étant fils du Zébédée. Ce Jean là, avait fui Jérusalem avec le diacre Procore après le martyre d’Etienne. Si Zébédée est Jean-Baptiste, il est assez normal que Luc, retour de Rome après la mort de Paul, ait proposé à son fils de prendre la tête de l’Église fondée par ce dernier. Il y eut Jean de Giscala, le farouche ennemi de Flavius Josèphe pendant la guerre de Judée, et qui était peut-être, on l’a dit au chapitre précédent, le fils de Mathieu Lévy. Il y a encore Jean de Jérusalem, qui se confond très vraisemblablement avec Jean-Marc et qui est probablement l’auteur de la première version de l’apocalypse chrétienne et aussi, on le verra plus loin, de la deuxième et de la troisième des « épîtres de Jean ». Il y eu enfin celui qu’on appelle Jean l’ancien, lequel avait été l’un des disciples de Jésus le nazaréen et qui vécu lui aussi à Ephèse, mais qui ne se confond certainement pas avec l’ « apôtre » Jean, fils de Zébédée, car il existe des textes ou ils sont mentionnés simultanément (6). C’est sans doute également de Jean-Marc qu’il s’agit.

Lorsque, dans le IVe Évangile, Jésus fut substitué à Jean comme personnage principal, cet Évangile, l’Apocalypse et trois des épîtres dites « catholiques” seront attribués à un seul et même auteur, considéré comme le plus important parmi ceux qui avaient contribué à la rédaction de ces textes : Jean le Théologue censé en outre avoir été, comme Paul, l’un des apôtres de Christ. C’est de ce Jean également que part la lignée des grands maîtres dont se réclame la tradition ésotérique de l’Ordre des Templiers, dont on sait qu’il a en particulière vénération les deux Jean, le Baptiseur et l’Apôtre. Rien d’étonnant à cela si, comme on a vu qu’il y a lieu de le penser, l’un est le fils de l’autre.

Quant à Luc, après être passé par Ephèse, il retourna donc à Antioche, où il retrouvera notamment le diacre Nicolas. Est-ce là qu’il écrivit son Évangile ou bien l’avait-il déjà rédigé à Rome ? La tradition se prononce en général pour cette dernière hypothèse, mais en réalité rien n’est moins sûr: on vient d’ailleurs de voir qu’un autre texte place la rédaction de l’évangile de Luc en Achaïe, c’est à dire sans doute à Corinthe Il est en fait impossible de se (……………………….) ne nous est même pas connu .

L’Evangile qui fut mis sous le nom de Luc sera, en effet, élaboré bien plus tard, dans les circonstances qui seront retracées aux chapitres XVIII et XXI. Il subsiste certainement, dans le IIIe Évangile canonique, des bribes du texte original de Luc, mais il serait fort conjectural de vouloir les identifier. On peut toutefois présumer que Luc écrivit, au moins en partie, son Évangile à Antioche, puisque dans les fragments que l’on connaît des écrits de Papias (dont on aura à parler longuement au chapitre XVI, car il fut, à Ephèse, le disciple de deux Jean: le Théologue et l’Ancien) on trouve des allusions à un écrit de Matthieu, à un autre de Marc et à l’évangile selon Jean, mais rien au sujet de Luc, ce qui ne s’explique guère si Luc avait terminé la rédaction de son oeuvre à Rome, à Corinthe ou à Ephèse, car alors Papias l’aurait connu aussi et il n’est pas vraisemblable qu’Eusèbe n’ait pas cité des passages où Papias en aurait parlé, alors qu’il cite ceux où il est fait allusion aux trois autres évangélistes du Canon.

Il paraît bien certain, en tout cas, que Luc écrivît son évangile d’après les enseignements de Paul de Tarse. C’est ce qui est écrit expressément dans le texte appelé « Canon de Muratori”, et Irénée, lui aussi, rapporte que « Luc, compagnon de Paul, mit en livre l’évangile que prêchait ce dernier » (Adv, Haer. III,1,7). Quant à Tertullien (adv. Marcionem IV, II, 3-5), bien qu’il accuse Marcion d’avoir, dans l’ Evangelion qu’il publia, mutilé l’Evangile selon Luc, il précise d’autre part que l’auteur de cet Evangelion avait lui-même utilisé comme source un Évangile « paulinien”… lequel ne saurait être que l’évangile écrit par Luc d’après ce que Paul avait enseigné.


Que Luc ait rédigé son évangile à Rome, à Corinthe, à Ephèse, à Antioche ou ailleurs importe, au demeurant, assez peu. Il peut même ne pas l’avoir écrit d’un seul jet et l’avoir composé partiellement dans chacune ou dans quelques unes de ces villes. Toujours est-il qu’il emportait aussi avec lui des copies de quelques unes des lettres que Paul avait écrites à ses fidèles et de l’apocalypse de Jean-Marc; qu’il en Iaissa des exemplaires ou en fit faire des copies dans les villes par où il passa, notamment à Ephèse, et qu’il fit de même à Antioche. Il avait aussi écrit ou il écrivit alors sa relation des voyages de Paul, écrit qui sera repris plus tard, à peine interpolé ou remanié (mais certainement écourté)
dans les Actes des Apôtres canoniques.

Mais qui était Luc ? D’aucuns ont cru pouvoir l’identifier avec le poète latin Lucanus (en français Lucain), qui était, comme Luc, médecin (7) et que Paul doit effectivement avoir connu à Rome, puisqu’il était le neveu de Sénèque (8). Mais Lucain est né à Cordoue en 39. La première rencontre de Paul et de Luc ayant eu lieu à Troas vers l’an 54, Luc aurait eu, dans cette hypothèse, environ quinze ans à ce moment, et Troas est tout de même assez loin de Rome et plus encore de Cordoue ! En outre Lucain fut mis à mort en 65, ayant participé à la conjuration de Pison contre Néron (9) On aperçoit immédiatement les invraisemblances auxquelles se heurte cette assimilation hasardeuse de Luc et de Lucain. Ce dernier ne saurait, entre autres, que difficilement avoir pu rédiger la « Bonne Nouvelle » de Paul.

Aurait beau jeu, en revanche, celui qui s’aviserait de soutenir qu’il s’agit d’un personnage imaginaire, d’un symbole. Le nom de Luc, en effet – en grec Loukas – ne se rapproche-t-il pas étrangement du latin lux, la lumière ? Et ces noms eux-mêmes sont fort proches de celui de l’antique dieu ligure Lug, dieu de la lumière précisément et aussi de la lucidité, que les celtes avaient admis dans leur panthéon au moment où ils occupèrent la Gaule.

A ce propos, il y a lieu de signaler que plusieurs des Vierges Noires qui figurent dans des églises françaises ont de longues mains et que la légende qui entoure plusieurs d’entre elles veut qu’elles aient été sculptées par saint Luc, lequel n’aurait donc pas été seulement médecin et architecte, voire même peintre, mais encore sculpteur… Or, l’un des surnoms du dieu Lug était Lavada ou Lamfada, ce qui veut dire « aux longues mains » et la signification ésotérique des longues mains est à la fois « source de toute vie » et « qui sait faire beaucoup de choses » (10).

On sait que les Vierges noires ne représentent pas en réalité la mère du Dieu chrétien, mais Isis ou Cybèle: nous verrons d’ailleurs au chapitre XIV comment les chrétiens furent amenés à ajouter à leurs croyances primitives celle qui est relative à la mère de Dieu. Ce rapport avec le dieu ligure Lug vient confirmer le fait que la Vierge Marie des chrétiens n’est autre qu’un avatar de la grande Déesse-Mère des
religions païennes antérieures au christianisme.

Enfin, les noms de Luc et de Lug se rapprochent encore du grec Logos, dont il est superflu de rappeler le sens. Il serait donc aisé de soutenir que le personnage de Luc est purement mythique et que, si un Évangile a été mis sous son nom, c’est pour signifier que cet Évangile est bien le plus véridique de tous, celui qui apporte plus de clarté, de « raison”, de  » lucidité  » sur la doctrine chrétienne… D’ autant plus que, comme on sait, chacun des évangélistes du canon, a pour emblème un animal et que celui de Luc est précisément le taureau, symbole solaire (comme aussi, il est vrai, le lion de Marc), dont le nom akkadien go ou gud est à la racine du nom de Dieu dans plusieurs langues, entre autres les langues germaniques, où il l’est aussi de l’adjectif qui signifie  » bon » (11).

Et c’est précisément l’Evangile du dieu bon que prêchait l’apôtre Paul, le maître de Luc… Singulières coïncidences, en vérité, et qui ne sont d’ailleurs pas toutes, sans doute, entièrement fortuites. Cependant, l’existence historique de Luc, disciple de Paul, paraît difficilement contestable, car il est presque certain que c’est lui qui, après la mort de son Maître, l’apôtre Paul, continua l’oeuvre de ce dernier en mettant notamment par écrit son enseignement et en le propageant. Certes, il ne fut pas le seul à le faire: d’autres, comme le diacre Nicolas et comme Silas, un autre des disciples de Paul, se firent, eux aussi, les propagandistes du paulinisme, mais on verra plus (……………………) dissocier le plus possible du judaïsme, le second tentant de se rapprocher de l’église d’Ephèse et même des nazaréens et des ébionites.

Il est d’ailleurs assez probable que Luc lui-même, surtout s’ il écrivit son évangile à Antioche, fit subir à la doctrine de Paul quelques infléchissements, d’autant plus que, comme le supposent quelques auteurs, cet écrit de Luc daterait d’après la guerre de Judée de 66-70 (11 bis).

Tout cela cependant, répétons le, est purement spéculatif, puisque le texte original de l’évangile rédigé par Luc est totalement perdu et qu’on ne sait pas, en réalité, où et quand exactement il l’écrivit. Quoi qu’il en soit, on peut dire qu’en tout cas, l’époque était des plus favorables à la diffusion d’une religion comme celle qu’avait fondée Paul et qui était comme la synthèse de l’essénisme juif ( ou tout au moins de sa variante nazoréenne) et de nombreuses doctrines païennes de salut qui avaient cours à l’époque, en particulier du simonisme. Les quelques incohérences même qu’elle présentait n’étaient point de nature à rebuter les païens, dont les croyances n’étaient pas figées dans des dogmes et dont les livres sacrés, lorsqu’il y en avait, n’avaient certainement pas la même autorité que la Torah chez les juifs.

On a déjà vu aux chapitres VII et XI combien l’état des esprits que ne ne satisfaisaient plus les mythologies des antiques religions païennes devait les rendre réceptifs aux doctrines de salut qui surgissaient alors de toute part dans l’Empire romain. Las d’adorer des dieux prétendument tout-puissants qui ne paraissaient guère se soucier des hommes et de leurs malheurs, aspirant par conséquent à un sort meilleur, sinon en ce monde, du moins en un autre univers situé au delà des réalités tangibles, c’est à dire seulement, soit si l’on arrive à s’élever jusqu’au Ciel, soit dans une autre vie qui ne peut commencer qu’après la mort, les meilleurs esprits de ce temps ne voyaient d’autre issue que de se confier à un “médiateur », un être qui leur montrerait la voie menant à ce salut.

Avant Paul, d’autres religions s’étaient déjà offertes à proposer semblable voie salutaire, en particulier l’orphisme et le mazdéisme (12). Mais le premier était fort exigeant pour ses adeptes. Aussi est-ce le culte de Mithra, un dérivé du mazdéisme, qui parut quelque temps devoir se prêter le mieux aux aspirations de l’époque. Pour ses prêtres, des mages, la vie sur terre de Mithra avait débuté par la naissance dans une grotte et elle se terminait par une ascension au ciel ; il surmontait, au cours de sa vie terrestre, des épreuves comparables à celles des hommes , tout en montrant l’exemple de la vertu; monte au Ciel, il s’y faisait auprès du dieu Zurvan Akérène (le « Temps sans limite ») l’intercesseur vivant de ceux qui croyaient en lui. Ce culte aurait donc certainement dû connaître dès la fin du 1er siècle de notre ère l’expansion considérable qu’il parviendra d’ailleurs à s’assurer plus tard. Mais il subit un coup d’arrêt par la mort lamentable de Néron, qui avait voulu instaurer un culte combinant le mithraïsme et le christianisme paulinien. Quant au judaïsme, il proposait bien, lui aussi, un intercesseur, le Messie, mais celui-ci était encore à venir…

C’est grâce à Luc que le christianisme parvint donc survivre, dans la forme même, à peine altérée, que l’apôtre Paul lui avait donnée au moment où il était mort à Rome. Et, à partir d’Antioche, où Luc était finalement retourné, sa doctrine devait connaître un nouveau rayonnement, ainsi que d’Ephèse, où Jean le Théologue avait pris la direction de l’Eglise chrétienne renouvelée. On verra plus loin que celle-ci devait toutefois dans chacune de ces deux villes, puis à Alexandrie, prendre des orientations assez différentes.


Paul de Tarse, de son vivant, avait été un mystique, un illumine, sujet à des visions et à des extases. A de nombreuses reprises, il avait conforme sa conduite à des révélations, déclarant avoir entendu des voix, tout comme Socrate avant lui consultait son « démon », comme plus tard Mahomet entendit Gabriel ou Dieu lui-même lui dicter le Coran, comme aussi Jehanne, la Pucelle d’Orléans, aura ses » saints » et ses » conseils ».

La façon dont Paul s’était trouvé constamment en communication avec des « esprits » n’est pas non plus sans analogie avec les pratiques des spirites d’aujourd’hui, qui l’ont d’ailleurs revendiqué (avec aussi Jésus et plusieurs des apôtres) comme leur précurseur, ainsi que cela a déjà été signale (12 bis).

Il en va de même des théosophes. Comment ne pas penser au Jésus de l’apôtre Paul quand on lit ces lignes d’Hélène Blavatsky:

« Des races autres que la nôtre ont existe en des périodes géologiques très lointaines : des races éthérées qui avaient succédé à des hommes sans substance corporelle et qui pourtant avaient une forme ; des dynasties d’êtres divins…«( 13).

Dans l’idée de Paul de Tarse, le Christ fils de Dieu apparu soudain en ce monde sous la forme d’un homme adulte pourrait avoir été l’un des derniers représentants de ces races, éthérées sans substance corporelle abritant l’âme d’un être divin. Selon plusieurs auteurs grecs et latins en effet, il aurait existé dans des temps très reculés un continent arctique , qu’ils appelaient Hyperborée, lequel aurait été peuplé d’hommes transparent.. Ceux-ci, en s’alliant aux autres hommes, auraient donné naissance à des êtres humains de plus en plus opaques, mais leurs descendants auraient néanmoins conservé leurs facultés, supérieures à celles des humains ordinaires. Si extraordinaire que soit cette croyance, elle a été reprise en notre siècle par plusieurs groupements initiatiques, entre autres le fameux groupe « Tulle », qui soutint le nazisme à ses débuts : Rudolf Hesse, Hermann Goering, Districh Eckhardt notamment en firent partie.

Ces analogies et bien d’autres confirment enfin que la doctrine paulinienne se rattache également à la Gnose, laquelle est cependant, contrairement à une opinion assez répandue, bien antérieure au christianisme. Comme a pu l’écrire Steven Runciman: « c’est le désir de résoudre le problème du mal qui se trouve à la base du gnosticisme » (14) et ce problème a du préoccuper les hommes les meilleurs d’entre eux en tout cas à peu près dès que (………………………..) Juifs, la Gnose remonte même à la création du monde.

L’un des dogmes essentiels de toutes les doctrines gnostiques, en effet, est l’opposition de la lumière et des ténèbres, du bien et du mal. Or, dès le début de la Genèse, Elohim crée la Lumière (15), et il la créa au moyen de sa parole: « Elohim dit: que Lumière soit ! Et la Lumière il y eut. Il sépara ensuite la Lumière de la Ténèbres. C’est donc, pour les cabalistes, le Logos divin (le Dawar, en hébreux, qui engendra la Lumière, et l’un comme l’autre émanent du Dieu suprême: c’est la Lumière d’ailleurs qui, d’après eux, est “le souffle des Elohim se mouvant sur la face des eaux” (Gen. I 2). Tous les êtres dérivent de ce principe, notamment la lettre iod, qui se trace d’un seul petit trait et qui serait à l’origine de tout l’alphabet hébreu.

En effet, si l’on enlève à l’éther, dont le nom hébreu est awir (formé des lettres aleph, wav, iod et resh), la lettre iod, il reste la lumière, en hébreu ‘or’. De même, si l’on substitue au iod initial du tétragramme divin IHWH un aleph, on obtient ahava, l’amour…

Ces conceptions toutefois ne sont pas vraiment propres a la pensée juive, qui leur a surtout donné une forme particulière. Elles viennent de bien plus haut, de l’Egypte, de l’Inde, de la Perse, sans qu’on n’ait jamais pu établir avec certitude l’antériorité de l’une ou de l’autre de ces régions dans la naissance de cette forme de pensée ou si celle-ci n’y serait pas née à peu près simultanément à la suite de circonstances identiques ou très semblables (16).

Et il semble que, comme on la verra plus loin, ce soit Pythagore qui, le premier, ait amalgamé de façon cohérente des éléments provenant de ces différentes sources. Selon les cabalistes juifs eux-même, leurs traditions seraient probablement antérieures à Moïse lequel n’aurait rien fait d’autre que de les “introduire dans l’histoire d’Israël » (17).

Le rabbi galiléen Bar Iochaï, qui est sensé être le fondateur du cabalisme, aurait simplement recueilli et compilé à partir de l’an 100 environ, ces antiques traditions dans le Sepher ha-Zohar, ( Le Livre de la Clarté). Mais c’est de Moïse, qui la tenait probablement lui-même des prêtres du culte ésotérique égyptien d’Isis que procéderait notamment la conception gnostique du Dieu unique, incréé, parfaitement beau et bon, éternellement immuable, connaissable par sa puissance, mais inconnaissable par son essence (18).

L’érudit Michel Skariatine a effectivement retrouvé l’origine de la Cabale en Egypte en déchiffrant des hiéroglyphes (19). On peut même se demander si, par delà les égyptiens, la Gnose ne remonterait pas aux Atlantes, puisque, selon Platon relatant dans le Critias ce que lui avaient rapporté des prêtres égyptiens, des Atlantes avaient, quelque 10.000 ans avant notre ère, étendu leur domination jusqu’aux confins de l’Egypte.

Il est remarquable que certains mythes gnostiques se retrouvent de l’autre côté de l’Atlantique dans les religions amérindiennes. C’est ainsi que, suivant Garcilaso de la Vega, historien espagnol qui a raconté la conquête du Pérou, les Incas croyaient que le Dieu Soleil était leur ancêtre et qu’il leur avait envoyé « en des temps très anciens un de ses fils et une de ses filles pour leur apporter la Connaissance » et le mythe de Simon et Hélène, ainsi qu’avec celui du Fils de Dieu de l’apôtre Paul ? Il est d’ailleurs remarquable qu’à peu près tous les peuples de la Terre ont, au sujet de la création de celle-ci, des traditions qui concordent de façon étonnante, au moins sur l’essentiel (21).

Selon une tradition cabalistes, l’Adam Cadmon, l’Homme primordial, ne serait même autre qu’Osiris, un dieu égyptien très ancien, dont la légende veut qu’il soit né sur la terre d’Amenti d’une vierge fécondée par l’Esprit, lequel lui serait apparu sous la forme d’un ibis (22), ce qui présente des analogies évidentes tant avec le mythe grec de Léda et du Cygne qu’avec les mythes chrétiens de l’ange Gabriel et de la colombe.

L’Amenti, encore appelé Amentêt ou Aalou, serait, selon une conception matérialiste, l’Atlantide: suivant une conception ultérieure, plus idéaliste, ce serait le séjour des âmes des bienheureux décédés. Il est à souligner que ces ,noms et ces conceptions présentent, eux aussi, des analogies remarquables avec ceux qui avaient cours, tant chez les celtes qu’en Afrique du nord et chez les amérindiens , ce qui donne à penser que l’Atlantide n’est en effet pas un pur mythe (23).

Poursuivi par la jalousie de Seth, son demi-frère, qui est le Seigneur des tempêtes, Osiris aurait été mis à mort et lacéré, mais les lambeaux de son cadavre auraient été rassemblés par Isis, sa soeur et son épouse (24), qui, trois jours plus tard, mettait au monde un nouveau dieu, appelé Horus ou Harpocrate (selon les régions de l’Egypte) et qui est le soleil levant: cet événement se fêtait dans la nuit et au matin du jour qui correspond aujourd’hui au 6 janvier. A cette date, l’eau du Nil était censée se changer en vin, car c’est alors que commençait la crue du fleuve, laquelle rendait possible la future récolte des fruits de la vigne (25).

Et les pharaons, en même temps qu’ils sont fils de Rê ou Râ, seront considérés aussi comme des incarnations de Horus donc comme des fils d’Osiris. La doctrine ésotérique du culte d’Osiris (qui sera qualifiée d’ “hermétique”, à l’époque hellénistique) était transmise oralement aux initiés, mais elle sera rédigée ultérieurement en grec et en latin dans les livres d’Hermès Trismégiste (c’est à dire « trois fois très grand”) ou Corpus Hermeticum, en tête desquels figure le Poimandrès ou « Vision d’Hermès” (26).

Selon cette doctrine, Osiris est le Dieu unique, caché derrière les apparences d’une multitude de divinités particulières. Il est le Souverain Bien, l’Etre bon, l’Intelligence suprême qui gouverne les mondes visible et invisible, la Lumière éternelle dont le domaine se situe au delà des sept cieux, chacun de ces derniers étant gouverné par une planète (la Lune et le soleil étant considérés comme des planètes, mais non la Terre, comme dans toute l’Antiquité et jusqu’à la Renaissance), tandis que Seth son frère est le Mal.

Osiris est aussi le Père de toutes choses, le Logos est son fils et leur union, c’est la Vie. C’est au sein du domaine d’Osiris que vivent les âmes éternelles, mais il arrive que certaines d’entre elles descendent vers l’un ou l’autre des sept cieux, revêtant des enveloppes de plus en plus pesantes à mesure qu’elles arrivent plus bas; quelques unes, captivées par les séductions de la matière descendent même jusqu’à la terre qui est le lieu des désirs, de la douleur, de la mort: emprisonnées alors dans le corps mortel d’un homme ou d’un animal, elles perdent le souvenir conscient de leur origine céleste, mais aspirent plus ou moins confusément à la réintégrer. Ceux qui ont sur la Terre une vie vertueuse, en particulier les hommes qui ont été initiés à la connaissance de ces choses, sont assurés de retourner au céleste séjour d’Osiris; ceux, au contraire, qui ont vécu en faisant le mal ne remonteront, à leur mort, pas plus haut que le ciel lunaire et retombent ensuite à nouveau dans un corps d’homme ou de bête, jusqu’à ce qu’ils aient mené une vie meilleure qui leur permette de remonter jusque dans l’Empyrée.

C’est cette doctrine que, du temps de Moïse, le pharaon régnant alors avait laissé se dénaturer en une religion polythéiste, ce que Moïse, qui avait été initié aux mystères d’Osiris, lui reprocha. N’ayant pu le convaincre, Moïse s’en alla, suivi des hébreux et de quelques égyptiens initiés comme lui, porter ailleurs la doctrine sacrée (27), qui fut transmise par lui à Josué et aux prêtres, puis par ceux-ci aux Juges et enfin aux rois d’Israël.

Ces derniers les transmettront à leur tour aux phéniciens, à l’époque de Salomon, et les phéniciens la feront connaître à la Grèce sans doute en même temps que l’écriture alphabétique: elle prendra alors la forme de l’Orphisme . Celui-ci est, en effet, d’origine phénicienne. Le nom même d’Orphée n’est pas d’origine grecque, mais est la contraction de deux mots sémitiques: aour, qui veut dire lumière (28), et rafaé, qui veut dire soigner, guérir, sauver (29 ).

Aour-rafaès, hellénisé en Orpheus, signifie donc: « qui guérit (ou qui sauve) par la lumière”. On remarquera, à ce propos, que le nom d’Ormouzd, le dieu perse, vient quant à lui d’Aour et de Mazda, la Vie, ce qui n’est pas sans analogie non plus avec ce qu’on vient de voir d’Osiris.

De même la cosmologie orphique plaçait elle, à l’origine l’Ether, d’où émanent trois rayons: la Sagesse, la Lumière et la Vie, lesquelles convergent en un Dieu unique, Zeus. Ce dernier cependant a engendré de Perséphone un fils, appelé Zagreus en son enfance, Dionysos en son âge adulte. Les douze Titans, enfants du Ciel, six mâles et six femelles , s’étant révoltés contre Zeus, s’emparèrent, selon la légende orphique, de Zagreus et le mangèrent tout entier, sauf le coeur, que Phoebé, l’une des titanes, emporta dans l’Éther pour le restituer à Zeus; mais ce coeur y serait alors rené sous la forme d’un soleil brûlant. La foudre de Zeus abat ensuite les titans, mais leurs cendres donnent naissance aux hommes. Or, en dévorant la chair de Zagreus, les Titans avaient acquis une parcelle de la divinité, qui fut ainsi transmise aux hommes et qui est leur âme. Pour libérer celle-ci de la matière, Zeus leur a envoyé un sauveur, Apollon, la Puissance du Soleil, qui s’est incarné en Orphée.

Les plus anciens poèmes orphiques parlaient d’une descente aux enfers d’Orphée pour y enseigner aux initiés défunts les secrets de I’Au-delà.

C’est l’archétype ancien de la descente de l’esprit dans la matière. Orphée faisait boire aux morts l’eau d’une source sainte, qui les purifiait de Ieurs souillures, et ils remontaient (…………………………) greffera sur ces mythes la légende d’Eurydice, laquelle n’est pas non plus sans analogie avec celle de l’Hélène des simoniens, qui en dérive probablement (30).

Comme Zagreus par les titans enfin (et comme aussi, on l’a vu, Osiris par Seth), Orphée sera, après sa descente aux enfers et sa réapparition en ce monde, déchiré en Thrace par des ménades, furieuses qu’il les eut dédaignées, par fidélité envers Eurydice, pour des garçons, et l’une d’elles, Aglaonice, personnifiait la Nuit ( donc les ténèbres). D’Orphée, on attendait le retour.

Les mystères orphiques, qui dérivaient de ceux d’Osiris et de Dionysos, se déroulaient de façon analogue, mais avec plus de raffinements, l’initiation notamment ne se faisait pas par le vin, mais par l’air, le feu et l’eau, éléments purificateurs. Ceux qui étaient reçus devaient prier pour les défunts (31). Ils participaient à des repas sacrés, au cours desquels ils consommaient la chair d’un animal immolé, censé être la chair même de Zagreus, en souvenir de la manducation de ce dernier par les titans.

C’est cet enseignement qui forma aussi la base du pythagorisme. Originaire de Samos, Pythagore devait toutefois le combiner avec ceux de diverses autres religions qu’il étudia au cours de ses nombreux voyages en Gaule, en Grèce, en Égypte, en Asie mineure, en Chaldée, en Perse, en Inde et sans doute aussi en Bretagne. C’est à Crotone, en Italie du sud, qu’il s’établit finalement et qu’il fonda une école célèbre, systématisant les données qu’il avait recueillies aux quatre coins du monde en une doctrine assez cohérente (32).

La plupart des conceptions gnostiques peuvent d’ailleurs être résumées suivant ce canevas. A l’origine de toutes les choses, il y a le feu, d’où procèdent la Lumière et le Soleil, aspects eux-mêmes ou attributs de la Divinité. Celle-ci est l’Être immatériel et infiniment bon, partait, lumineux, éternel, qui réside dans le Ciel supérieur, l’Empyrée. La matière au contraire est opaque et mauvaise, étant le siège du devenir, de la corruption, du mal, de l’obscurité, de la douleur, de la mort. Ce n’est donc pas le Dieu bon qui a crée le monde matériel, mais un démiurge, lequel est le prince de ce domaine ténébreux (33).

Les êtres vivants sont faits de matière, dans laquelle une parcelle de la nature de Dieu a été emprisonnée par accident: c’est l’âme, par laquelle le corps se meut et qui aspire à retourner au Ciel auprès du Dieu de lumière et de bonté, de la nature duquel elle participe. C’est afin de faciliter ce retour que la Divinité envoie aux hommes un médiateur (son propre fils pour certains gnostiques). A la fin des temps, le monde matériel disparaîtra dans un embrasement total, auquel les âmes des hommes justes résisteront, mais qui anéantira celles des mauvais. Les justes connaîtront alors une félicite éternelle dans le Royaume céleste du Dieu bon.

L’idée qu’il y a en chaque homme une parcelle de la Divinité était, on l’a vu, déjà connue des orphistes, mais elle avait cours aussi en Inde: on trouve dans la Bhagavât-Gitâ l’affirmation que chaque homme porte en lui-même « un ami sublime….car Dieu réside dans l’antérieur de tout homme encore que peu sachent le trouver…”.

Par contre, l’idée que la matière dont est fait le corps humain est mauvaise vient de la Perse. Quant à l’embrasement final, on retrouve cette croyance aussi dans les religions hindoues, celtiques et germaniques (34); elle sera exprimée dans plusieurs textes chrétiens gnostiques et jusque dans a deuxième des épîtres attribuées à Pierre (III, 7-13).

Mais, revenons à Pythagore, dont la philosophie reprenait l’essentiel du schéma esquisse ci-dessus. Il établit en outre la distinction, reprise plus tard par d’autres, par Aristote notamment, entre le monde sublunaire ou inférieur, siège du devenir et de la corruption, et le monde céleste des sphères ( c’est à dire des planètes et des étoiles ), siège de la perfection. Les âmes viennent du Ciel, elles participent de la perfection divine et elles sont destinées à y retourner, après avoir éventuellement séjourné dans plusieurs corps: elles y retournent immédiatement après la mort, si les hommes qu’elles habitent se sont conduit de leur vivant d’une façon exemplaire; sinon elles passent d’abord par d’autres corps. L’âme elle-même, étroitement unie à l’esprit, est formée de fluide cosmique, elle est comme un corps éthéré que l’esprit tisse autour du corps matériel c’est pourquoi elle se détache de celui-ci après la mort, devenant ce char subtil éternel dont parlera Platon et qui n’est pas sans analogie avec le “périsprit » des spirites contemporains.

Certains pythagoriciens affirmèrent même que les étoiles ne sont autres que les âmes des bienheureux. Pour quelques uns, Pythagore lui-même avait été un génie descendu de la Lune pour révéler aux hommes la voie du salut. Plusieurs de ces idées seront reprises par Socrate et par Platon. On trouve notamment dans plusieurs des œuvres de ce dernier, comme le Phedon, le Phèdre, la République, le Timée, le Critias, des thèses et des exposés qui montrent clairement que Socrate et son disciple connaissaient les doctrines orphiques et pythagoriciennes et qu’ils en admettaient les principes essentiels. Toutefois, si les idées que Platon fait exprimer par Socrate, dans le Phédon notamment, témoignent de l’optimisme du maître, cet état d’esprit se modifia chez le disciple, qui , dans le Timée, développe une théorie de la dégénérescence de la matière, laquelle trouverait son terme dans le désir de la copulation, désir honteux faisant des hommes qui y succombent les égaux des bêtes…

C’est cette dernière conception qui sera reprise par certaines sectes esséniennes et simoniennes, comme nous le savons déjà. Elle sera reprise aussi par de nombreux chrétiens gnostiques après Paul de Tarse et Luc, lesquels se montrèrent pourtant plus libéraux à ce sujet, comme l’avait d’ailleurs été aussi avant eux le nazaréen Jésus. Il n’est cependant pas niable que la doctrine de Paul doive beaucoup aux écoles gnostiques qui l’avaient précédée, en particulier à l’orphisme et au simonisme. Même le messie juif déjà n’était pas sans analogie avec le Sauveur qui doit venir à la fin des temps (35). L’originalité, à cet égard, du simonisme et du christianisme paulinien fut d’affirmer que ce Sauveur était venu, qu’il était le fils (…………………) comment faire leur salut, il était remonté au Ciel près de son divin Père, dans le domaine de la Lumière.

D’autres religions à mystères enseignaient, il est vrai, une doctrine assez analogue(36); dès le troisième millénaire, dans l’Égypte ancienne notamment, donc bien avant la révolution monothéiste d’Aménophis IV, le peuple attendait un Sauveur qui devait être aussi « le berger de son peuple » (37); mais c’est Paul de Tarse qui fit de cette arrivée du Sauveur en ce monde un événement à la fois cosmique et historique.

Mais les autres analogies sont extrêmement nombreuses, en particulier avec l’orphisme. Le nom d’Orphée lui-même, on l’a vu, signifie « Celui qui sauve (ou qui guérit) par la lumière”; or, le fils du Dieu bon, selon Paul, est un sauveur qui apporte la lumière. Orphée est aussi un bon pasteur, qui vient ramener au bercail les brebis égarées, comme le firent Apollon (le Bélèn des celtes) et le fils du dieu Simon, et comme Jésus le dit de lui-même dans le IVe évangile (mais on sait que le Jésus de cet Évangile est essentiellement un combiné de Jean-Dosithée et du Jésus gnostique paulinien). Orphée est même parfois représenté aussi en croix , comme c’est le cas sur le chaton d’une bague conservés dans un musée de Berlin (38).

Quant au mythe de sa descente aux enfers, l’analogie avec le fils de Simon allant sauver Hélène et avec le fils de Chrîstos descendant dans les parties intérieures du monde pour y retrouver Jean le Baptiseur et les autres justes est frappante. De même, Paul reprit aux pythagoriciens, comme l’avaient fait déjà les esséniens, leur conception de l’âme immortelle (alors que, pour les hébreux, l’âme était mortelle comme le corps), ainsi que cela résulte de sa première épître aux Corinthiens (XV, 40-49), en particulier le verset 47: « Le premier homme, issu du sol est terrestre ; le second homme, lui, vient du Ciel”. Et c’est le second seul, c’est à dire l’âme, venue du Ciel s’incarner dans l’enveloppe matérielle et mortelle du premier, qui retourne aux Cieux après la mort, comme Paul le dit au verset suivant (XV 50) et le répétera dans sa seconde aux Corinthiens (V, 1 6) .

Cette doctrine, on le voit, est assez semblable aussi à celle du spiritisme et ce n’est pas sans raison que, comme déjà dit, les spirites modernes ont donc revendiqué Paul, avec d’autres, comme un de leurs précurseurs. Cependant, en fait de repas sacrés, Paul de Tarse ne recommandait que de simples agapes Ce n’est que plus tard que celles-ci se transformeront en une eucharistie (40) analogue aux repas orphiques et mithraïques Ces agapes des premiers chrétiens paraissent trouver leur origine dans les repas en commun pris par les adeptes du dieu cornu de l’antique religion celtique, laquelle se perpétuera pendant tout le Moyen Âge et dont les officiants seront poursuivis par le clergé chrétien sous le nom de « sorciers » (41).

Enfin, la plupart des sectes gnostiques connaissaient une initiation. Pour elles, ce qui est important, plus encore que la bonne conduite, c’est de savoir certains secrets et de croire à leur vérité (42) Dans les mystères antiques notamment, le néophyte devait faire quatre « voyages » à travers chacun des éléments constitutifs du monde tels qu’on les concevait alors: « C’est d’abord », expose Paul Naudon, « la descente dans la Terre, le retour au sein de Déméter, la déesse-mère. Vient ensuite l’épreuve de l’Air, le rappel de tous les obstacles, de toutes les vicissitudes du monde profane. Suit alors la purification par l’Eau lustrale Puis, l’illumination par le Feu conduit à la lumière » (43).

Paul de Tarse disait de même que, pour être sauvé, il suffisait d’être initié à la doctrine qu’il prêchait, l’Evangile, la Bonne Nouvelle, et d’y croire (ce à quoi s’opposait Jacques le Juste, qui disait, on l’a vu au chapitre IX, que la foi ne suffit pas si l’on n’y joint les oeuvres. . . )

On ne trouve plus guère trace, dans les écrits de Paul tels qu’ils nous sont parvenus, des trois premières de ces épreuves, sauf peut-être le baptême par l’esprit, qui pourrait correspondre à l’épreuve de l’air. Mais on sait que ses épîtres ont été remaniées plusieurs fois, des passages caractéristiques ont pu en être supprimés. En revanche, on les retrouve dans les oeuvres de plusieurs des gnostiques qui se réclamèrent de lui, ainsi qu’on le verra. Et Paul fait expressément allusion à l’épreuve par le feu dans sa première épître aux Corinthiens (III, 13-14).

Celle-ci fait en outre du paulinisme un avant-coureur également des alchimistes, comme l’ont remarqué de nombreux auteurs. Serge Hutin notamment explique:

« L’âme humaine est par essence une portion segmentée de l’Ame divine; cette doctrine fondamentale de la gnose se retrouve dans l’alchimie, qui cherche à obtenir- pour la contempler – l’incarnation de la lumière divine, du Logos, dans la matière ténébreuse » (44).

Mais, note-t-il, le pessimisme de la plupart des gnostiques n’est pas le fait des alchimistes:

« Le Grand-Oeuvre est un processus analogue à celui de la création du monde; pour l’adepte, le monde est déchu certes (le but de l’alchimie sera précisément d’opérer, dans les trois règnes, une rédemption), mais il n’est pas l’oeuvre d’une divinité inférieure ou perverse”.

Ce n’était pas non plus, on l’a vu, la conception de Socrate, de Jésus le Nazaréen, de Paul, ni de Luc: ce sont certains de leurs successeurs qui reprendront cette idée à Platon et aux Perses. Mais, chez les alchimistes d’Alexandrie déjà, la croix aux branches égales était le symbole d’un de leurs instruments, le creuset, et mettre la materia prima dans le creuset, c’était la crucifier.

De nombreux successeurs de Paul reprendront cette idée à propos de la crucifixion du fils de Chrêstos. C’est ce qu’a aperçu notamment Carl-Gustav Jung qui, dans « Psychologie et Alchimie », soutient que le Jésus gnostique symbolise la pierre philosophale: il sauve l’âme de l’homme comme l’alchimiste libère l’âme du monde sommeillant dans la matière. Jung estime aussi que la « transubstanciation” dogme qui apparaîtra plus tard dans le christianisme, est une opération analogue à la transformation du plomb en or. Mais pour Paul déjà à coup sûr, ainsi que pour ses disciples, l’apparition sur Terre de Jésus fils de Chrêstos, avait opéré comme une transmutation du monde matériel: elle était passée, pour reprendre le vocabulaire des alchimistes, au plan de l’oeuvre au blanc, qui est la Lumière. C’était le triomphe des enfants dll iè tldé td dltéèb d tllttét (…………….) un thème repris par les esséniens aux apocalypses iraniennes.

Désormais, la voie de l’immortalité était ouverte aux adeptes, qui pourraient monter au Ciel « sans passer par la mort: franchissant les sept cieux planétaires, c’est à dire les sept étapes de la réalité manifestée, l’adepte se purifiera d’une manière radicale pour finalement parvenir au Centre dynamique du cosmos, là où la notion même du temps phénoménal se trouve abolie », comme le formule excellemment Serge Hutin encore (45).

On peut supposer aussi que le Jésus fils de Chrêstos de Paul était un homme venu d’un de ces mondes « parallèles » qui communiqueraient avec le nôtre par ce que Brinaley Le Poer Trench a appelé des « fenêtres » et H.P. Lovecraft des « portes induites ». Ces mondes, que l’on ne qualifie que faute de mieux de « parallèles » (puisque des parallèles ne se rencontrent pas ou ne se rencontrent qu’à l’infini), alors qu’ils ont avec le notre des points de contact, des « ouvertures », ne sont pas sans analogie avec ce que les hindous appellent les dwipas, lesquels sont au nombre de sept (46).

Comment ne pas rapprocher certaines paroles du Christ dans les évangiles au sujet du Royaume des Cieux de cette affirmation d’H.G. Wells dans « Monsieur Barnstaple chez les hommes dieux »:

« Il y a des univers qui sont plus loin de nous que la nébuleuse la plus lointaine et cependant plus près de nous que nos mains et nos pieds. »

Il est à noter encore que, pour Anaximandre, qui fut un des maîtres de Pythagore, l’homme est issu d’un poisson. Or, on sait quelle importance revêt le symbolisme du poisson dans le Christianisme.

A la différence des esséniens pourtant, de Jean-Baptiste notamment, ce n’était pas dans l’eau que Paul de Tarse entendait initier ses adeptes, mais par l’esprit, c’est à dire par le souffle divin: « C’est par l’esprit seul que nous avons été baptisés », écrit-il aux corinthiens, « et nous avons été abreuvés du même esprit » (I Cor. XII 13) Mais cette idée était, elle aussi, reprise aux anciens mystères païens: Ceux qui ont été baignés dans le souffle divin, ceux-là ont eu part à la connaissance et sont devenus parfaits, étant des hommes qui ont reçu le don de l’esprit, peut-on lire dans un texte « hermétique » cité par Guignebert (47).

C’est donc bien dans la droite ligne des gnostiques païens que se situe l’enseignement de Paul de Tarse, et son Jésus fils ressuscité du bon dieu Chrêstos, n’est en fait qu’un cas particulier, plus spiritualisé peut-être, des nombreux dieux sauveurs des religions à mystères qui avaient cours à son époque. C’est avec stupeur et consternation que des chrétiens des premiers siècles devaient découvrir cette vérité, pour eux horrifiante. En cette antériorité des mystères païens, tellement semblables aux cérémonies chrétiennes de leur temps, Justin et Tertullien notamment virent l’oeuvre des démons de l’enfer; ils décidèrent même que ceux-ci avaient, avec les mythes de Mithra et de la résurrection de Zagreus dans les mystères dionysiaques, orphiques et mithriaques, plagié par avance l’eucharistie, ainsi que la mort et la résurrection de Jésus ! (48)

Plus tard dans son Asclepios (49) Lactence devait, de façon plus sereine, voir dans les mystères « hermétiques » une simple prémonition de la venue en ce monde du fils du dieu Chrêstos. Enfin, autre analogie encore, avec le simonisme cette fois, d’où le christianisme de Paul semble bien être directement issu, même s’il s’est enrichi de nombreux autres apports, c’est la confusion qui est souvent faite, dans ces deux religions, entre les noms du Dieu suprême et de son fils.

Dans le simonisme, le Dieu de lumière et de bonté s’appelle Eshmoûn et son fils Simon; dans le christianisme paulinien, le Père est Chrêstos et le fils Christ (Jésus après sa réapparition). Mais le nom de Christ désigne aussi parfois Chrêstos comme celui de Simon désigne tantôt Eshmoûn, tantôt son fils, tantôt même quelque adepte éminent du simonisme, comme Dosithée ou Apion, voire Paul lui-même…

Mais, si elle se rattache donc au gnosticisme païen, la doctrine de Paul se relie aussi au cabalisme juif. On a vu plus haut que, si l’on retranche du tétragramme divin iod-hé-wav-hé la lettre iod, on obtient Hé-wav-hé, ce qui est proche du cri des bacchantes Evohé et aussi du nom d’Eve, Chawa. Inversement, si l’on ajoute la lettre shine en son centre, on obtient iod-hé-shine-wav-hé, c’est-à dire, en remplaçant le hé final par un ayîne, les consonnes de Iéhoshouo, Josué, devenu plus tard Iéshouo, Jésus, plus tard encore abrégé en Iéshou (c’est ce dernier nom que porteront les différents Jésus dont il est question dans le Talmud à partir du Jésus, disciple de Ben Pérahia, dont nous aurons à reparler au chapitre XVII).

C’est bien pour ce motif que Paul avait fait donner ce nom par son Chrêstos à son fils , puisque Iéhoshouo veut dire « Jéhovah sauveur » et que Christ devait être un Sauveur, titre dont il est effectivement souvent gratifié dans les textes gnostiques chrétiens. Cette doctrine de l’apôtre Paul, il paraît certain que ce fut son principal disciple Luc qui la systématisa dans l’évangile qu’il rédigea, de même qu’il avait recueilli les principales épîtres de son maître et écrit un récit de ses voyages. Cet évangile reflétait-il exactement les idées de Paul ?

Luc dut rencontrer à Antioche, non seulement d’autres continuateurs des simoniens, mais encore des nazaréens et des johannltes, et il est assez probable qu’il en subit l’influence. Comme toutefois, on le verra plus loin, c’est surtout un autre des disciples de Paul, Silas, parti de Rome sans doute en même temps que Luc ou vers le même temps, qui tenta des rapprochements entre ces diverses sectes, l’évangile que luc écrivitet prêcha lui-même ne devait guère différer de celui qu’avait enseigné son maître. Luc avait déjà rédigé, on l’a vu, une première esquisse de cet enseignement dans ce qui est devenu l’Épître aux Hébreux (50).

Il importait de formuler en un ouvrage cohérent la doctrine découlant de cette homélie, des épîtres que Paul avait écrites au gré des circonstances et de son enseignement oral. C’est ce que Luc se mit en devoir de faire. Malheureusement, comme on l’a déjà dit, cet évangile primitif de Luc est complètement perdu. Pour en supputer le contenu, il faut (……………..) authentiques de Paul, débarrassées de leurs interpolations, sur l’Épître aux Hébreux et aussi sur l’Evangélion marcionite, dont on aura à parler plus loin. Comme on le verra, cet Evangélion, en effet, était tiré lui même de l’évangile écrit par Luc, tandis qu’inversement, c’est de lui que procède l’Évangile “selon saint Luc » (51).

L’auteur de l’Evangélion appartenait à la tendance fanatiquement anti-juive qui se fit jour en Syrie, on le verra plus loin, parmi les chrétiens disciples de Paul et de Luc. Il effaça donc de l’évangile primitif de Luc tout ce qui rattachait encore la doctrine chrétienne à ses origines hébraïques, y compris Jean-Baptiste, que certains gnostiques allèrent même, dans la suite, jusqu’à considérer comme une incarnation du Mal, son baptême d’eau étant encore trop matériel pour ces “pneumatiques”. Ce sera le cas notamment d’Héracléon, dont on aura également à reparler à plusieurs reprises.

C’est pourtant Jean, autrement dit Dosithée qui, on l’a vu aux chapitres Ier et III, avait annoncé la venue d’un plus grand que lui, le Dieu Très-Haut, précédé d’un médiateur, qu’il appelait le Paraclet. Il semble bien que, pour lui, ce dernier devait être l’archange Michel, celui qui est mis en scène aussi dans l’Apocalypse. Traditionnellement, en effet, ce sont des anges qui, chez les premiers gnostiques comme dans la bible hébraïque, chez les esséniens notamment, et dans plusieurs écrits lntertestamentaires, servent d’intermédiaires entre Dieu et ses créatures: or, Jean avait été esséniens et il s’était rallié les samaritains . C’est, en outre, Michel qui fut tout un temps considéré comme le Messie par certains juifs pieux (52) – ce sera encore le cas des elcésaïtes, dont on aura à parler au chapitre suivant – cependant que, pour d’autres gnostiques, davantage influencés par diverses doctrines et philosophies païennes (53), ce devait être la Grande Mère céleste (54).

Dans « La Prôtennoïa trimorphe” des écrits de Nag-Hammadi encore, c’est celle-ci, qui y est appelée Barbîlô, qui descend sur Terre à trois reprises : une première fois comme Voix du Père, une deuxième fois comme Mère androgyne et une troisième fois comme Logos. En cette troisième descente, elle prend, comme Jésus dans « L’Ascension d’Isaïe” (55) et dans quelques autres textes gnostiques, la forme de chacun des archontes des différents cieux qu’elle traverse et, sur Terre, elle se fait passer pour un être humain. Elle s’incarne alors en Jésus et, quand ce dernier est pendu au bois d’infamie, c’est elle qui l’en délivre. C’est sans doute sous l’influence des simoniens que Philippe, puis Paul, substituèrent à l’archange Michel ou à la Grande Mère le fils même du Dieu de perfection (56).

C’est donc le fils du Dieu Chrîstos que Luc devait faire descendre du Ciel dans son évangile. Où descendait-il ? Pour le savoir, on ne dispose, comme dit plus haut, que de l’Evangélion marcionite qui sera tiré de l’évangile de Luc. Encore cet écrit n’est-il connu que par des citations, certaines heureusement assez longues, qui en seront faites par des adversaires des marcionites pour réfuter leurs enseignements. De surcroît, ces citations paraissent bien, pour la plupart, n’être pas extraites de l’Evangélion original lui-même, mais d’un texte déjà altéré utilisé, non par Cerdon, qui est probablement l’auteur de l’original, ni par son disciple Marcion, qui l’avait propagé et autour de qui se constitua une école gnostique importante, mais par l’un ou l’autre des disciples dudit Marcion. Le début de cet Evangélion est cité habituellement, grâce aux reconstitutions qui ont pu en être faites, à peu près comme suit : « L’an 15 du principat de Tibère César, au ( ……………………) Capharnaüm, ville de Galilée… »

Il y a plusieurs remarques à faire à propos de ce texte. Et tout d’abord sur ce nom de Capharnaüm, qui est présenté comme celui d’une localité de la Galilée. Car, pas plus que de Nazareth (57), on ne connaît de Capharnaüm en Galilée au premier siècle de notre ère… D’après le gnostique Héracléon, disciple de Salomon Valentin, lui même contemporain de Marcion, le nom de Capharnaüm désigne en réalité les parties inférieures du monde, les bas-fonds du cosmos, c’est à dire donc les enfers (58).

Ce n’est que plus tard, lorsque les faits que Christ, le fils du Dieu bon, accomplit aux enfers furent censés s’être passés sur terre, puis qu’on l’assimila lui-même à Jésus le Nazaréen, qui était, semble-t-il, originaire de Galilée, qu’on fit de Capharnaüm une localité située dans cette province. Mais, du même coup, la mention de Ponce-Pilate, qui ne figure d’ailleurs pas dans le plus ancien des textes contenant des citations de L’Evangélion, l’Adversus Marcionem de Tertullien, ne peut pas, elle non plus, être considérée comme originale : qu’importe, qui représentait l’autorité romaine en Judée au moment où un être céleste descendit aux enfers pour se rendre ensuite en Galilée, puisque Pilate n’avait pas juridiction sur celle-ci, laquelle était administrée à l’époque indiquée par le tétrarque Hérode Antipas.

Enfin, « Jésus Christ, fils de Dieu » est sans doute, une fois de plus une altération de “Jésus~ fils du Dieu Chrîstos » . Car c’est bien du fils du bon dieu Chrîstos que Luc devait raconter le passage aux enfers, puis sur terre. Dans l’actuel Évangiles selon Luc, il est dit notamment que “Dieu est bon même pour les méchants » (VI, 35). C’est d’ailleurs encore à peu près la conception des musulmans, souvent plus proches du christianisme à ses origines que le christianisme actuel lui-même, puisqu’ils qualifient leur Dieu Allah de  » très-haut et très-miséricordieux » .

Donc, c’est aux enfers, et non sur terre, que descendait d’abord, dans l’évangile primitif de Luc, le fils du dieu Chrîstos, qui ne portait pas encore alors le nom de Jésus. Le passage ci-dessus devait par conséquent être rédigé plus simplement, à peu près comme ceci:  

» L’an 15 du principat de Tibère, le fils du dieu Chrêstos apparut au lieu de la désolation « .

Il est à remarquer, à ce sujet, que le mythe de la descente aux enfers d’un personnage céleste est fort ancien (59). Il symbolise presque toujours une reprise de contact avec les ancêtres, avec la sagesse accumulée des générations précédentes. C’est pourquoi sans doute des disciples de Marcion qui voulaient rompre complètement avec tout ce qui les avait précédés, transformeront cette descente aux enfers en une descente immédiate sur Terre. Et ils transformeront aussi les démêlés du fils du Dieu bon avec des démons en des épisodes terrestres, ces démons “possédant » des malades. Peut-être aussi la tentation de Jésus par Satan « au désert » est-elle une transposition, dans les synoptiques de la descente de Christ à Capharnaüm, le “lieu de la désolation ».

D’autre part, avant la relation de cette descente du fils de Chrîstos, devaient figurer, dans l’évangile primitif de Luc, des récits relatifs à Jean le Baptiseur, puisque c’est ce dernier qui avait annoncé cet événement et que Christ allait le retrouver au séjour des morts. Tous les textes que l’on connaît où il est fait mention de l’évangile écrit par Luc, y compris le célèbre fragment dit de Muratori, qui contient l’énumération des livres reconnus par l’église de Rome vers 200 comme faisant partie du Nouveau Testament, disent que Luc commençait son évangile par la naissance de Jean. Peut-être le récit qui ouvre l’actuel IIIe Evangile est-il donc (sauf en ce qui concerne la naissance de Jésus dans lequel elle a été enclavée, comme on l’a vu au chapitre premier) réellement de Luc, au moins en sa substance: ce sont en tout cas des Johannites qui l’y rétabliront comme on le verra au chapitre XVII, grand des prophètes de l’ancienne Loi.

Mais celle-ci avait été réformée, après la mort de Jean, par le fils du Dieu bon, descendu aux enfers d’abord, puis sur Terre avec l’apparence d’un homme. Caractéristique à cet égard est le passage qui figure actuellement dans Luc au chapitre VII immédiatement après une interpolation avec reprise sur les mots « qu’ êtes-vous allé voir ?”. Parmi les enfants des hommes, il n’en est pas de plus grand que Jean. Mais on ajoute:  » Et cependant, le plus petit dans le royaume de Dieu est plus grand que lui ” (VII, 28). Le plus petit, c’est évidemment Paul, qui, bien que très petit (Paulus ), est encore plus grand que Jean, puisqu’il a non seulement propagé la bonne nouvelle de la venue du fils de Dieu, mais prêché la doctrine de salut répandue par ce dernier (60).

Cela est confirmé plus loin lorsque Jésus déclare: « Je te béni, Père, Seigneur du Ciel et de la Terre d’avoir caché cela aux sages et aux habiles et de l’avoir révélé aux tout petits” (Luc X, 21). Caché aux sages et aux habiles, c’est à dire aux philosophes païens et aux pharisiens (qui prétendaient être leurs émules); révélés aux « tout petits, c’est-à-dire à Paul et à ses disciples. Luc devait raconter aussi la mort de Jean, dont le récit figure, très altéré, dans le IVe Évangile, sous la forme de la crucifixion de « Jésus le Nazôréen ». C’est alors seulement que devait venir l’apparition aux enfers du fils de Chrîstos, qui devait y rencontrer Jean après son altercation avec un démon .

Au IVe siècle, dans sa « Catéchèse », Cyrille de Jérusalem écrivit encore que le fils de Dieu  » est descendu volontairement dans le lieu où était la baleine symbolique de la mort pour que le mort vomit ceux qu’elle avait absorbés » et il ajoutait que, lors de son arrivée, les saints et les patriarches lui demandèrent :  » Est-ce toi qui dois venir ou devons nous en attendre un autre ? «  (XIV, 19). Dans les Évangiles actuels, c’est Jean qui pose cette question à Jésus ou plutôt qui la lui fait poser par ses disciples, car il est à ce moment « en prison » (Luc VII, 18-19). Les Évangiles synoptiques ont transposé cet épisode sur la terre, mais dans l’évangile écrit par Luc, cela se passait évidemment, comme chez Cyrille, dans le domaine des morts (61).

Rappelons, à ce propos, que les esséniens attendaient la venue d’un prophète (62), qui serait peut-être la réincarnation de leur Maître de Justice. Dans le IVe Évangile, Jean déclare expressément que ce n’est pas lui (I, 22). Il semble bien aussi que ce soit de cette section de l’évangile primitif de Luc que soit tirée ou que s’inspire la deuxième partie des Acta Pilati dont il a été question au chapitre IV. Cette deuxième partie n’existe que dans quelques-unes des versions de cette oeuvre, notamment dans sa version latine, et elle paraît bien y avoir été ajoutée plus ou moins artificiellement : certains exégètes estiment même que cette seconde partie est plus ancienne que la première (63); elle est censée constituer la relation, par les deux fils du Symeon à qui fut présenté au Temple de Jérusalem l’enfant né à Bethléhem (Luc II, 25-32), de la descente du fils de Dieu aux enfers, où ils se trouvaient avec leur père parce que déjà morts, eux aussi, puis de leur résurrection en même temps que Jésus et que de nombreux autres justes (64).

Le fils de Dieu y rencontre d’abord Isaïe, puis Symeon et ses deux fils, puis Jean le Baptiseur et Adam, puis enfin Satan et ses séides. Ces derniers, après l’échec de leur maître, le jettent eux-mêmes hors des enfers et enfin Jésus et tous les « saints » montent au Ciel sous la conduite de l’archange Michel, qui les introduit dans la gloire du Paradis, où Hénoch et Elie viennent à leur rencontre. Bien que ce récit ait été plus ou moins adapté à la teneur des Evangiles canoniques, il les complète en tout cas par la relation de la descente de Jésus aux enfers, qui en est absente et à laquelle il n’est guère fait allusion, dans la littérature canonique, que dans la première épître de Pierre (III 19), laquelle ajoute d’ailleurs que « ce qui y correspond, c’est le baptême… »

Or, nous savons que, d’autre part, pour Paul de Tarse, le « baptême », ce n’était pas l’immersion johannite dans l’eau mais le mystère de la croix Non pas bien entendu le supplice romain de la crucifixion, lequel n’avait d’ailleurs pas été appliqué à Jésus, mais à Jean-Dosithée, ‘il s’agissait: rappelons-le, de la crucifixion cosmique glorieuss subie par le fils du Dieu bon à la suite de ses démêlés avec Satan et suivie elle-même de son ascension. C’est d’elle aussi, bien entendu, qu’il devait s’agir dans le texte primitif de Luc.

Chose curieuse, on la retrouve aussi dans les Actes de Jean, où le Seigneur apparaît à l’apôtre peu après sa crucifixion dans une caverne « illuminée de sa présence » (XCVII). S’étant adressé à Jean, il lui montre alors « une croix lumineuse fixée en terre et, autour de la croix, une grande multitude… » (XCVIII), et il lui dit « d’uns voix douce et tendre »:

« Jean, il est nécessaire qu’un homme entende de moi ces choses; j’ai besoin d’un homme qui m’entende. Cette croix de lumière est appelée … tantôt parole, tantôt intelligence, tantôt Jésus, tantôt Christ, tantôt porte, tantôt chemin, tantôt pain, tantôt semence, tantôt résurrection, tantôt Fils, tantôt Père, tantôt Esprit, tantôt Vie, tantôt Vérité, tantôt foi, tantôt grâce. Elle reçoit tous ces noms à cause des hommes… Mais ce n’est pas la croix de bois que tu verras en t’en allant d’ici. Je ne suis pas non plus celui qui est sur la croix… » (XCIX).

Ce texte, en sa rédaction actuelle, vise évidemment à concilier les différentes conceptions que se faisaient de Jésus ou de celui qu’ils appelaient le Sauveur diverses sectes rivales qui s’en réclamaient. Mais on voit bien qu’il associe déjà les deux crucifixions, la descente aux enfers et la résurrection: c’est ce que devait faire aussi l’évangile primitif de Luc. De cette mise en croix mystique et des événements qui lui étaient associés dans l’évangile lucanien il reste d’ailleurs des traces dans les Evangiles canoniques. Dans les synoptiques, ils ont été transposés sous la forme du récit de la « transfiguration » (65), laquelle figure aussi dans l »‘Apocalypse de Pierre », dont les événements qui y sont relatés sont censés s’être produits après la résurrection de Jésus.

En fait, dans le récit primitif de Luc, le « baptême » du Sauveur, sa transfiguration et sa passion se confondaient certainement ; ils n’ont été distingués que plus tard en plusieurs événements distincts. Le déroulement en avait pour theâtre d’abord les enfers, puis les airs. C’est à cet épésode que Jésus fait allusion dans l’actuel Evangile selon Luc en XII- 50, passage qui n’a son équivalent dans aucun autre des Evangiles canoniques et qui a déjà été relevé (66).


On remarquera qu’en préliminaire à sa passion comme à sa transfiguration, Jésus s’écarte d’abord en compagnie de trois des disciples, qui tombent les deux fois dans un profond sommeil (Luc IX 32 et XX 45; Marc XIV, 37-40; Mat. XXVI, 40-43). De même, dans les Actes de Jean, les disciples sont alors « comme égarés et accablés par le sommeil » (XCVII)(67). Puis, Jésus devient tout brillant et, de part et d’autre de lui apparaissent deux personnages; de même, la crucifixion terrestre de Jésus sera relatée comme ayant eu lieu entre deux autres personnes.

Il s’agit en réalité de la montée du Fils de Dieu vers le Soleil, d’où il repartira pour aller rejoindre au Ciel son divin Père, conception qui sera aussicelle du gnostique Hermogène. Tout comme au moment du baptême, une voix se fait entendre et déclare : « Celui-ci est mon fils bien-aimé » (6B). Et si, à ce moment, Jésus se met à resplendir, c’est parce que son Père le revêt du « manteau de lumière » grâce auquel, selon « L’Ascension d’Isaïe », on peut accéder au Ciel du Dieu de bonté.

A la fin du IIe siècle, Méliton, évêque de Sardes en Lydie, rédigeant une « Homélie sur la Passion », dira encore de Dieu : « Tu as placé l’écarlate sur son corps et l’épine sur sa tête » (XIII, 3-4). C’est le Dieu bon lui-même qui revêtait son Fils, dans l’évangile primitif, d’un manteau étincelant et non Hérode (Luc XXIII, 11) et ce n’étaient pas des soldats qui lui mettaient sur la tête une couronne d’épines. Celles-ci ne sont vraisemblablement autres que les rayons d’or garnissant le bandeau royal et figurant les rayons du soleil. Car Méliton, comparant Jésus à Hêlios le Soleil continue :  » Alors que le soleil avec les étoiles et la lune s (…………………………………) Jourdain ?

Le Roi du Ciel, le Prince de la création, le Soleil levant qui apparut aussi aux morts de l’Hadès et aux mortels de la Terre comme un véritable Soleil est allé vers les hauteurs du Ciel. » Quant au fait que Jésus, tant au cours de sa « transfiguration » qu’au cours de sa crucifixion, figure entre deux autres personnages, il est remarquable que le dieu chaldéen Bél et le prophète hindou Krishna soient censés avoir subi le même sort (69).

Au cours de sa transfiguration, Jésus est entouré, selon les Evangiles canoniques, de Moïse et Elie; au cours de sa crucifixion, de deux « larrons” ou encore de sa mère Marie et du disciple « qu’il aimait”. Ce n’est pas là la seule analogie que l’on peut relever entre la légende de Krishna, d’une part, celle de Jésus-Christ, d’autre part: l’histoire de Marthe et Marie servant Jésus notamment (Luc X, 38 & suiv.; Jean XII, 2-3) est très semblable à celle de Sarasvati et Nishdali, qui servirent Krishna après que ce dernier eut pardonné à la première, pécheresse repentie (70).

Enfin, dans le Luc canonique, la transfiguration annonce même la crucifixion: en IX 31, en effet, il est dit que Moïse et Elie s’entretiennent avec Jésus de son exode à Jérusalem, c’est à dire de sa « délivrance » du monde matériel (et non de son « départ”, comme les traductions le disent habituellement) et de son retour à la Cité divine, c’est à dire le Ciel, Jérusalem étant, au sens ésoterique des gnostiques, le symbole de la félicité paradisiaque: son itinéraire de Capharnaüm à Jerusalem devait donc s’entendre, dans l’évangile original de Luc, de son passage des enfers au Ciel, puis de son retour sur la terre.


Fait à première vue étrange, des passages parallèles à ceux que nous venons de relever dans les synoptiques, en particulier dans Luc, se rencontrent aussi dans Jean. Dans Luc, les trois apôtres dorment aussi bien lors de la transfiguration que dans le Jardin des Oliviers peu avant l’arrestation de Jésus, qui prie dans l’angoisse, demandant à son Père de lui épargner l’épreuve qui va suivre (XXII, 42-45). En Jean, à Jérusalem, Jésus dit, quelque temps avant la Pâque: « Maintenant, mon âme est troublée. Et que dirai-je ? Père, délivre-moi de cette heure… » (XII 27). Et c’est alors que se fait entendre, dans cet Evangile, la voix qui vient du Ciel (Jean XII, 28), ce que d’aucuns, dans la foule, interprètent comme un coup de tonnerre, tandis que d’autres disent: « Un ange lui a parlé » (XII, 29). Or, dans Luc, Jésus est en prière au moment de son baptême (III, 21) lorsque retentit la voix céleste (III, 22) et c’est un ange qui lui apparait au Jardin des oliviers pour le réconforter au moment ou il exprime son angoisse (XXII, 43).

Ensuite, dans Jean, Jésus annonce qu’il sera « élevé de la terre » (XII, 32), ce qui peut s’entendre aussi bien de sa transfiguration (telle qu’elle figure dans les synoptiques, mais absente de Jean) que de sa crucifixion ou de son ascension… Qu’en conclure ? sinon que ces passages de Jean, ainsi que plusieurs autre ont pour origine des passages de l’évangile primitif de Luc et qu’ils ont dû être insérés dans l’évangile primitif de Jean lorsque le Jésus gnostique y a été ajouté, tandis que l’oeuvre de Luc subissait les transformations dont nous aurons à parler plus loin. Il en résulte aussi que l’ordre dans lequel devaient se présenter les épisodes de la carrière infernale et terrestre du Christ dans l’évangile primitif de Luc devait être assez différent de celui dans lequel il se présente dans les Evangiles canoniques, et plus encore dans les synoptiques que dans celui « selon saint Jean”. Nous verrons aussi plus loin, à propos de Cerdon comment cela se fait.

Quant à la crucifixion céleste, c’est à dire le « baptême de la croix » selon Paul, elle sera plus tard transposée dans les Evangiles (71) et confondue avec le supplice romain subi auparavant par Jean-Dosithée. Mais ce n’est qu’après cette épreuve, son élévation dans les airs jusqu’au Ciel et son retour sur terre (sa « résurrection”, c’est à dire sa réapparition) que Jésus prêchait sa doctrine ésotérique, ainsi que l’attestent la Pistis Sophia et Justin (Ier A pol LXVII 15) Dans l’Evangile selon Luc cela est transposé sous la forme de la péricope des disciples d’Emmaüs à qui Jésus explique comment il faut entendre l’enseignement des prophètes (Luc XXIV, 25-27) (72).

Il est à remarquer aussi que, dans l’Evangile selon Jean, c’est après la résurrection de Jésus que se place l’épisode de la pêche miraculeuse (XXI, 1-13), début de sa prédication dans les synoptiques et aussi dans l’Evangelion marcionite (73), qui dérive de l’évangile primitif de Luc. Il est à noter encore, à ce propos , qu’un épisode analogue à la pêche miraculeuse se retrouve également dans la légende hindoue de Krishna, ce qui s’ajoute aux autres analogies déjà vues plus haut (74).

On remarque d’ailleurs, dans l’évangile de Luc, des traces de nombreuses oeuvres antérieures, tant païennes que juives. C’est ainsi que la non-violence qui caractérisait à la fois l’activité de Jésus le Nazaréen et l’enseignement du fils du bon dieu Chrêstos de Paul, ce qui dut aussi contribuer à la confusion que l’on fit dans la suite entre ces deux personnages, n’était pas aussi originale qu’on pourrait le penser. On trouve déjà dans le Criton de Platon, énoncé par Socrate, le principe suivant lequel il ne faut pas rendre le mal pour le mal, l’injustice pour l’injustice (75). Ce principe, radicalement contraire à l’ancien précepte hébraïque du talion: oeil pour oeil, dent pour dent, avait été repris par les ésséniens dans leur « Manuel de Discipline », dont le psaume final contient ce passage: “Je ne rendrai à personne la rétribution du mal », et l’on a vu qu’il avait fait partie de la prédication de Jean-Baptiste avant qu’il ne passât à l’activisme (76).


Luc va plus loin encore: il fait dire au fils de Chrêstos qu’il faut même rendre le bien pour le mal (cf. Luc VI, 27-35), illustrant cette règle d’un ensemble de préceptes particuliers qui figurent en finale du discours contenant les béatitudes et les malédictions, lesquelles s’inspirent visiblement elles-mêmes de celles qui sont déjà contenues dans le livre des Secrets d’Hénoch (77).


L’évangile primitif de Luc devait aussi contenir le conseil de payer le tribut à César, car ce conseil se trouve dans l’épître aux Romains (XIII, 7) et il faisait donc partie de l’enseignement de Paul. Il est normal que son disciple l’ait repris . Il sera d’ailleurs reproduit dans l’évangile selon Thomas (logion n° 100), écrit gnostique séthien auquel il a déjà été fait allusion plus haut (78). Mais le texte est différent de celui des synoptiques, car Jésus y dit: « Rendez à César ce qui appartient à César, rendez à Dieu ce qui appartient à Dieu et ce qui est mien, donnez le moi. »

Ces derniers mots n’ont pas été repris dans les Evangiles canoniques, mais ils figuraient probablement dans le texte primitif de Luc. Il semble bien, en effet, que l’évangile selon Thomas ait surtout repris à l’évangile écrit par Luc les logia qu’il reproduit, et certains d’entre ceux qu’on ne retrouve dans aucun des Evangiles canoniques devaient donc figurer dans cet évangile lucanien. En outre, ce passage est le seul de Thomas où figure le mot « Dieu »: partout ailleurs, la Divinité suprême est appelée « le Père »… Il est probable qu’ici, le mot Dieu désigne Jehovah, le Dieu des juifs, le Créateur, ce qui donne à la péricope un tout autre sens que dans les textes canoniques…

Il serait fort difficile, pour ne pas dire impossible, de conjecturer davantage ce que pouvait être, dans l’évangile prêché par Paul et écrit par Luc, l’enseignement du fils de Chrêstos. Comme on le verra dans la suite, les éléments de cet enseignement ont été combinés avec d’autres par les successeurs de Paul et de Luc, et le résultat de cette combinaison a ensuite été, au moins partiellement, mêlé avec l’enseignement qu’avait donné de son vivant Jésus le Nazaréen.

Toujours est-il qu’après avoir enseigné ses disciples, Jésus remontait au Ciel auprès de son bon Père, d’où il était entendu qu’il reviendrait à la fin des temps pour le jugement dernier précédant l’embrasement final, conformément à la tradition gnostique déjà reprise par les esséniens et à ce qu’avait prédit Paul dans sa première épître aux Corinthiens (XV 51 52) et dans celle aux Thessaloniciens (I Thes 14 17). (79)

Il est assurément regrettable qu’il ne soit guère possible d’en dire davantage sur ce que fut l’évangile écrit par Luc conformément aux enseignements de son maître, puisque cet écrit est complètement perdu et que ce n’est qu’à grand-peine qu’on a pu reconstituer dans ce chapitre, tout à fait conjecturalement, grâce à des données fragmentaires et assez incertaines tirées d’autres écrits ou en comparaison avec eux, une partie de ce qu’il a pu être. Si l’on possédait ne fût-ce que quelques passages assurés de cette oeuvre, comme c’est le cas pour tant d’autres de moindre importance, cela permetrait sans doute de mieux savoir encore quelle fut vraiment la pensée de Paul de Tarse et de mieux discerner aussi, dans les oeuvres qui lui ont été attribuées, ce qui est réellement de lui et ce qui a été ajouté, supprimé ou modifié.

Notes:

(1) Prosper Alfaric, “Origines sociales du christianisme” (Union rationaliste, Paris, 1959), p.152. Voir aussi F.LOVSKY, “Antisémitisme et mystère d’Israël” (A.Michel, Paris 1955), p. 139- 140, qui explique cette divergence par le désir de certains chrétiens de se distancer du judaïsme. Cette coutume était néanmoins conforme aussi à une traditions essénienne: voir J.LEHMANN, “Dossier Jésus” (A.Michel, Paris 1972), p.74. Cf.Pierre-Em.Guillet, “Réflexions sur les origines du christianisme” (Talence, 1977), p.59-60.

(2) Voy. Robert VAN ASSCHE, “Mithra et le Christ” (Cahiers du cercle E.Renan, Paris, N°76, 1972), p.33-34.

(3) V. plus loin, Tome V, chap. XXV. Voy aussi Robert VAN ASSCHE, op. cit. pp 11-46.

(4) ou voir Fernand Lequesne, « les Galates » (Fayard, Paris, 1959) p. De 154.

(5) voir plus haut, chapitre II, p. 23.

(6) il y eut notamment la liste des disciples de Jésus établie par Papias selon Eusèbe (« Histoire de l’Église  » 3,39). Selon Philippe de Sidée, de même, Papias distinguait Jean le Théologue et Jean l’ancien, Papias se disant leur disciple à tous les deux.

7) Voy. not. J.Ch. PICHON: « Néron et le mystère des origines chrétiennes » (Laffont, Paris, 1972), pp. 220-221.

8) Sur Lucain, v. not. Arthur WEIGALL, « Néron” (Payot, Paris, 1950), pp. 275-277 et 336.

(9) V. plus haut, chapitre XI, p. 113.

(10) Voy. Jacques HUYNEN, « L’Enigme des Vierges Noires » (Laffont, Paris, 1972) ; Louis PELLET, « Bélénos et Lug » (L’Hespéride, Paris, n° 27, 1973, p. 7); Jean MARKALE, « Le Druidisme » (Payot, Paris, 1984), p. 89.

(11) V. plus haut, chapitre VII, p. 60. De même, selon Jean MARKALE, « le rapport entre Lug et Gwyddion est certain “ op . cit., p. 91). Gwyddion, le dieu suprême gallois, s’identifie avec Dagda, le Dieu bon des gaulois.

(11 bis) Voy. not. Joseph TURMEL, « Histoire des dogmes”, tome V.

(12) V à ce sujet Comte du MESNIL du BUISSON Introduction à “Mithra, ce dieu mystérieux », par Martin Vermaseren (Séquoia, Paris, Bruxelles, 1960).

(12) V. à ce sujet Comte du MESNIL du BUISSON, Introduction à « Mithra, ce dieu mystérieux”, par Martin Vermaseren (Séquoia, Paris-Bruxelles,1960).

(12 bis) V. plus haut, chapitre VII, p. 59. V. aussi Arthur CONAN DOYLE, « La Nouvelle Révélation”, dans « Histoires et messages de l’au-delà » (U.G.A., paris, 1967), spec. pp. 288 & suiv.; Edouard SCHURE, « Les Grands Initiés”, livre VIII, chap. VI; Bertrand de CRESSAC, « Paul de Tarse, créateur d’un dieu » (Horace, Nice, 1960)) ,p. 202 & suiv..

(13) The Secret Doctrine, II, 204 (cité par Denis SAURAT, « L’Atlantide et le règne des géants”, chapitre 9).

(14) « Le manichéisme médiéval » (Payot, Paris, 1949), p. 11.

(15) Ce pourquoi il est aussi considéré par certains comme le premier des francs-maçons (Histoire des sectes , Fermi, Genève, 1978, p. 180).

(16) Voy. not. E.R. DODDS, « Païens et chrétiens dans un âge d’angoisse” (La Pensée sauvage, Claix, 1979), pp. 27 & suiv.

(17) Alexandre SAFRAN, « La Cabale”, cite par Jean SENDY, « L’ère du Verseau” (Laffont, Paris, 19?0), pp. 35 et 236.

(18) Voy. Flavius Josèphe, « Contre Apion”, II, 167-168.

(19) ENEL, « La Langue sacrée~ (Laymarie, Paris, 1934; réédité en 1985).

(20) Cité par Robert CHARROUX, “Histoire inconnue des hommes » (Laffont, Paris, 1970), p. 70.

(21) Dans « A la poursuite des dieux solaires” (J’ai lu, Paris, 1974), l’explorateur Marcel HOMET relève de très nombreuses analogies entre les cultes amérindiens, d’une part, les religions celte, égyptienne, juive, iranienne et indienne, d’autre part. V. aussi Charles BERLITZ, “Le mystère de l’Atlantide” (J’ai lu, 1976), p. 76.

(22) Voy. Henri LEISEGANG, « La Gnose » (Payot, Paris 1971), pp. 84-91. Il est à remarquer que l’lbis est l’oiseau de Thot, le Mercure égyptien.

(23) Voy. not. Charles BERLITZ, op. cit., pp. 10, 48-49.

(24) Sur la légende d’Isis et Osiris, v. not. Jean-Louis BERNARD, « Aux Origines de l’Egypte” (Laffont, Paris, 1976) pp. 35 & suiv.

(25) Voy. Robert VAN ASSCHE, « histoire de la fête de l’Epiphanie” (Cahiers du Cercle E.Renan, Paris, n° 87, octobre 1974), pp. 5 & suiv.

(26) V. plus loin, pp. 149 & 173

(27) V. not. Jean SENDY, « L’Ere du Verseau”, pp. 314 & suiv.; Guy FAU: « Qui était Moïse ? “ (Cahiers du Cercle E.Renan, Paris, n° 125, 1985), p. 41.

(28) Et que l’on retrouve à la racine du mot aurum: l’or, métal lumineux.

(29) On retrouve rafaé dans le nom de l’archange Raphaël, qui veut dire « Dieu guérisseur » .

(30) V. plus haut, chapitre V, p. 28. Par ailleurs, dans le mythe babylonien de Tammouz et Ishtar c’est cette dernière qui descend aux enfers rechercher son époux en se dépouillant successivement des sept pièces de son habillement (voy. Salomon REINACH, « Orpheus”, chapitre Ier,II, 6-8). V. aussi ci-après, pp. 138 & suiv.

(31) Paul également fera cette recommandation (I Cor. XV 29).

(32) V. à son sujet Arthur KOESTLER, “Les somnambules” (Calmann-Lévy, Paris, 1960), la partie, chapitre II, et mon “Esquisse d’une Histoire de la Gnose et de la Cabale”, (Bruxelles, 1985), tome 1er, chap. II, § 3.

(33) Voy. E.R. DODDS, op. cit., p. 27.

(34) Voy. Salomon REINACH, op. cit., chapitres II et IV.

(35) Sur la notion de Sauveur, voy. not. Charles GUIGNEBERT, « Le Christ » (A.Michel, Paris, 1969), p. 178.

(36) V. à ce sujet Guy FAU, « Le Puzzle des Évangiles » (Union rationaliste, Paris, 1970), pp. 221-224.

(37) Voy. Philippe AZIZ, “Moïse et Akhenaton”(Laffont, Paris, 1979), p. 116.

(38) Voy. Georges ORY, « Le Christ et Jésus » (Pavillon, Paris, 1968), p. 169; Robert AMBELAIN, « Vie secrète de saint Paul » (Laffont, Paris, 1972), p. 234.

(39)….

(40) Cf. Georges ORY, « Interpolations du Nouveau Testament. Les Épîtres » (Cahiers du Cercle E.Renan, Paris, n° 28, 1960), pp. 20-21

(41) Voy. Margaret MURRAY, « Le Dieu des sorcières » (traduction médiocre de Thérèse Vincent aux Ed. Denoël, Paris, 1957), pp. 132-136.

(42) V à ce sujet Serge HUTIN, “Les Gnostiques » (P.U.F., Paris, coll. Que sais-je ? n° 808), chapitre IV, I.

(43) « La Tradition et la Connaissance primordiale dans la spiritualité de l’Occident » (Dervy-livres, Paris, 1973), p. 92.

(44) Op. cit., chapitre IV.

(45) « L’Immortalité magique » (Marabout, Verviers, 1973), pp. 105- 106. Sur les développements de l’alchimie, v. aussi Lyell WATSON, « Histoire naturelle du surnaturel » (J’ai lu, Paris, 197B), pp. 215-220.

(46) Voy. Jacques BERGIER, « Visa pour une autre Terre » (J’ai lu, Paris, 197?), chapitres 3 à 5.

(47) Charles GUIGNEBERT, op. cit., pp. 329-330.

(48) V. à ce sujet Prosper ALFARIC, « Origines sociales du Christianisme » (Edltions rationalistes, Paris, 1959), pp. 168-169; Guy FAU, op. clt., pp. 227-228; « Justin et les Évangiles » (Cah. E.Renan, Paris, n° 91, 1975), p. 3; « Le milieu religieux romain au temps des Césars” Cahiers E. Renan n° 126, 19~2), p. 123.

(49) V. un long extrait de cette œuvre dans Jean PHAURE, « Le cycle de l’humanité adamique » ( Dervy-livres, Paris, 1973 ), pp . 137-1 39.

(50) V.plus haut, chap.IX,pp.83-85

(51) V.plus haut p.127, et plus loin, p.151 et Chap.XXII

(52) V. à ce sujet Georges ORY, « Le Christ et Jésus”, pp. 244 & suiv.

(53) Voy. Robert M. GRANT, « La Gnose et les Origines chrétiennes » (Seuil, Paris,1964),p. 71.

(54) Voy not Jean DORESSE  » Le Gnosticisme  » (bulletin du Cercle E Renan Paris n° 162, 1970), p. 58. V. aussi plus loin, pp. 190 et 195.

(55) V. plus loin, p. 150.

(56) Au Moyen Âge encore, des cathares professeront que Jésus était un avatar de l’archange Michel. Autre survivance de cette tradition: le patron de l’île portugaise de Sâo-Miguel, dans les Açores, est appelé le Seigneur-Saint-Christ-des-Miracles; là aussi donc, Michel est assimilé au Christ.

(57) V. plus haut, chapitre II, note 8, et chapitre III, note 33.

(58) V. à ce sujet Georges ORY, « Préparation à la lecture des Évangiles synoptiques » (Cahiers du Cercle E.Renan, n°60, 1968), p. 24; Guy FAU, op. cit., p. 255.

(59) Voy. Georges ORY, « Le Christ et Jésus “ pp. 230 & suiv.; Edmond DELCAMP, « La montée vers l’Orient” (Dervy, Paris, 1975), pp. 159-163.

(60) Dans l’évangile selon Thomas (n° 46) il est écrit de mêmes « Celui d’entre vous qui se fera petit, connaîtra le royaume et deviendra plus grand que Jean. “ Peut-être était-ce là le texte original de Luc, car, ainsi qu’on le verra au chapitre XV, l’évangile selon Thomas paraît bien avoir été composé de citations d’évangiles primitifs, principalement de celui de Luc. V. aussi mon édition de cet évangile (Bruxelles, l980), pp. 24 & suiv.

(61) V. aussi le passage parallèle de Matthieu (XI, 2-4) déjà signalé plus haut, chapitre VII, note 8, p. 59.

(62) V. chapitre Ir, p. 10.

(63) Voy. not. JAMES, The Apocryphal New Testament (Clarendon Pr., Oxford, 1950).

(64) Cf. Matthieu XXVII, 52-53. (On notera que ces deux versets se contredisent, puisque le premier fait ressusciter les justes au moment de la mort de Jésus et le deuxième seulement après sa propre résurrection… V. à ce sujet plus loin, chapitre XXV).

(65) Marc IX, 2-10; Luc IX, 28-36; Mat. XVII, 1-9.

(66) V. chapitre VII, p. 63.

(67) Cf. Thomas 28.

(68) Luc IX 35; Marc IX 7. Matthieu ajoute: « qui a toute ma faveur » (XVII 5). Toutes ces citations sont des allusions au verset d’Isaïe XLII, 1 et au Psaume II, qui s’appliquent au Messie, mais aussi au fait que, selon une tradition égyptienne, au moment de la naissance d’Osiris une voix se fit entendre dans le ciel qui dit: « Voici mon bien-aimé, en qui je suis satisfait”. V. aussi plus loin, chap. XVII, p. 208. Sur les variations ds cette parole, voy. Albert SCHWEIZER: « Le Secret historique de la vie de Jésus » (A.Michel, Paris, 1961), pp. 132 & 8.; Marco TREVES, « La Voix du Ciel » (Bulletin du Cercle E.Renan, Paris, n° 184, nov.déc. 1974 p. 20). De même, quelques manuscrits de Matthieu ajoutent à la scène du baptême, après le v. III 14S « et, quand il eut été baptisé,
une grande lumière sortit de l’eau et se mit à briller tout autour… » Cf. aussi l’évangile des Ebionites: v. plus haut, chap. IV, p. 45.

(69) Voy. Bertrand de CRESSAC~ « Paul de tarse, le créateur d’un dieu » (Horace, Nice, 1968), p. 107. V. aussi plus loin, pp. 235 et 238. Il est curieux de noter que Gilles de Raiz, lui aussi, sera pendu et brûlé en 1440 à Nantes entre deux de ses complices, Etienne Couillard et Henriet Griart.

(70) Voy. Edouard SCHURE, “Les grands initiés”, livre II, chapitre VII, et son article « Krishna et Jésus-Christ » (La Pensée et les Hommes, Brux., mai 1984, p. 307).

(71) V. à ce sujet not. GUY FAU, “Le puzzle des Evangiles” pp. 316-321.

(72) V. à ce sujet Jean MAGNE, « La naissance de Jésus-Christ » ( Cahiers du Cercle E.Renan n° 83, déc. 1973), pp. 17 ~ s.; André WAUTIER, « En relisant Justin. II. Justin et les évangiles » ( La Pensée et les Hommes, déc. 1979, 162), p. 166.

(73) Tertullien, op. cit., IV, ix, 2.

(74) Voy. Edouard SCHURE, « Les grands Initiés », livre II, chapitre VII (76) V. plus haut, chapitre Ier, p. 14. (77) Secr. Hen., XLII, 6 à XLV, 2, et LII, 1-14. On trouve d’ailleurs dans ce livre de nombreux préceptes qui seront repris dans les Evangiles, notamment celui de s’aimer les uns les autres (LXVI 6). A ce sujet, v. aussi Rudolf AUGSTEIN, « Jésus, fils de l’Homme » (Gallimard, Paris, 1975), pp. 117-118.

(78) V. note 60, p.139

(79) Prédiction confirmée dans la IIe Thess. (I, 5-10), mais celle-ci n’est pas authentiquement de Paul: v. plus loin, p. 152

A suivre ….


Partagé par Terre Promise ©

Bonjour à tous. Vous pouvez assurer la continuité de ce site de plusieurs manières : En partageant les articles que vous avez aimé, sur vos réseaux sociaux. En faisant un don sécurisé sur Paypal.

Même 1€ est important !


Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page

Adblock détecté

Merci de désactiver votre bloqueur de publicité pour naviguer sur le site.